Lorsque le cours des événements se fait
trop menaçant, Blériot sait comment ouvrir la fenêtre et s'échapper, s'absenter
en pensées, il lui suffit pour cela de trouver dans l'air un son sur lequel
concentrer son attention, dans son champ de vision un point à fixer, « et de bloquer ses poumons à la manière d'un plongeur en apnée ».
Ainsi Blériot se place-t-il quand il le faut hors du temps, se préserve-t-il du
désarroi, du vertige, des trop grandes douleurs - ainsi demeure-t-il, à 40 ans
ou presque, un jeune homme aux enthousiasmes, à l'innocence, au cynisme, aux
égoïsmes adolescents.
L'unique objet de ses pensées, de ses
désirs, de ses tourments, a, elle aussi, une beauté, une insouciance, une pente
fantasque toutes juvéniles. Elle s'appelle Nora, dans la vie de Blériot elle
apparaît et disparaît, adorable et cruellement indécise, aimantée par un autre
pôle, un autre homme - le raisonnable Murphy. C'est à Londres que vit Murphy, à
Paris qu'est Louis Blériot (oui, c'est ainsi qu'il se nomme...), et le roman de
Patrick Lapeyre circule savamment, et avec une merveilleuse fluidité, entre
tous ces éléments : Nora, Louis, Murphy, quelques personnages secondaires
satellites, l'Angleterre et la France - l'Italie un peu, aussi -, la passion et
le désamour, les instants de bonheur solaire et ceux de complet dénuement.
Derrière ce beau titre qui résonne comme
un manifeste tao, La vie est brève et le désir sans fin est
un pur et subtil roman d'amour, tout ensemble très contemporain et intemporel -
contemporains sont le décor et le ton, intemporel est l'amour obsédant,
électrique, trop démesuré pour n'être pas fatal, qui lie Louis et Nora. Et
guide, évidemment, leurs destins, l'un à l'autre noués, vers la tragédie.
Patrick Lapeyre n'en fait pourtant pas un drame, loin de là. Plutôt une
comédie, également teintée de gravité et de grâce, où l'humour, la douceur, le
refus de la pesanteur ont autant leur place que la souffrance et le chagrin.
L'écriture limpide, vive et précise de Patrick Lapeyre n'offre pas de prise au
pathos. Elle scrute et expose les situations, s'attache de façon singulière aux
perceptions et émotions des personnages -- ainsi, par exemple, de Louis et de
Nora, s'embrassant « mais très, très légèrement,
comme des gens soucieux de ne pas toucher à l'équilibre de la planète » --
, ironise avec délicatesse sur les beautés et les complexités du difficile
métier de vivre et d'aimer.
Description:
La vie est brève et le désir sans fin
Patrick Lapeyre
On aime beaucoup
TT
Lorsque le cours des événements se fait trop menaçant, Blériot sait comment ouvrir la fenêtre et s'échapper, s'absenter en pensées, il lui suffit pour cela de trouver dans l'air un son sur lequel concentrer son attention, dans son champ de vision un point à fixer, « et de bloquer ses poumons à la manière d'un plongeur en apnée ». Ainsi Blériot se place-t-il quand il le faut hors du temps, se préserve-t-il du désarroi, du vertige, des trop grandes douleurs - ainsi demeure-t-il, à 40 ans ou presque, un jeune homme aux enthousiasmes, à l'innocence, au cynisme, aux égoïsmes adolescents.
L'unique objet de ses pensées, de ses désirs, de ses tourments, a, elle aussi, une beauté, une insouciance, une pente fantasque toutes juvéniles. Elle s'appelle Nora, dans la vie de Blériot elle apparaît et disparaît, adorable et cruellement indécise, aimantée par un autre pôle, un autre homme - le raisonnable Murphy. C'est à Londres que vit Murphy, à Paris qu'est Louis Blériot (oui, c'est ainsi qu'il se nomme...), et le roman de Patrick Lapeyre circule savamment, et avec une merveilleuse fluidité, entre tous ces éléments : Nora, Louis, Murphy, quelques personnages secondaires satellites, l'Angleterre et la France - l'Italie un peu, aussi -, la passion et le désamour, les instants de bonheur solaire et ceux de complet dénuement.
Derrière ce beau titre qui résonne comme un manifeste tao, La vie est brève et le désir sans fin est un pur et subtil roman d'amour, tout ensemble très contemporain et intemporel - contemporains sont le décor et le ton, intemporel est l'amour obsédant, électrique, trop démesuré pour n'être pas fatal, qui lie Louis et Nora. Et guide, évidemment, leurs destins, l'un à l'autre noués, vers la tragédie. Patrick Lapeyre n'en fait pourtant pas un drame, loin de là. Plutôt une comédie, également teintée de gravité et de grâce, où l'humour, la douceur, le refus de la pesanteur ont autant leur place que la souffrance et le chagrin. L'écriture limpide, vive et précise de Patrick Lapeyre n'offre pas de prise au pathos. Elle scrute et expose les situations, s'attache de façon singulière aux perceptions et émotions des personnages -- ainsi, par exemple, de Louis et de Nora, s'embrassant « mais très, très légèrement, comme des gens soucieux de ne pas toucher à l'équilibre de la planète » -- , ironise avec délicatesse sur les beautés et les complexités du difficile métier de vivre et d'aimer.