Sans doute faut-il garder un minimum de
sang-froid. Ce roman inédit de Truman Capote n’est pas, comme certains
le prétendent, le « plus beau livre de la rentrée ». Capote, qui avait
lui aussi un sens aigu de la provoc et du snobisme, ne s’y était
d’ailleurs pas trompé : « Quant à Summer Crossing, écrivait-il en 1953,
je l’ai depuis longtemps déchiré, et de toute façon il était inachevé. »
Que s’est-il passé exactement ? Dix ans plus tôt – il a 19 ans –, Capote
se lance dans l’écriture de son premier roman, la rencontre
fitzgeraldienne d’une petite fille riche de la Cinquième Avenue et d’un
gardien de parking à Broadway. Ce sera La Traversée de l’été, qu’il
abandonne au profit des Domaines hantés (1948), reprend à plusieurs
reprises et finit par laisser dans l’appartement qu’il va quitter, à
charge pour le concierge de tout jeter. Heureusement, celui-ci n’en fera
rien : le manuscrit se retrouvera en 2004, vingt ans après sa mort, en
vente chez Sotheby’s... La lecture en est évidemment émouvante : la
lucidité dévastatrice, l’acuité psychologique, la rapidité d’esprit et
de rythme, des flamboyances de style évoquent déjà le fameux Petit
Déjeuner chez Tiffany. Mais l’aventure de Grady McNeil dans la canicule
new-yorkaise, dont on devine l’ambition initiale – la traversée vers
l’âge adulte, d’une classe à l’autre, d’un monde à l’autre –, tourne
vite court, à l’instar de la chute du roman, aussi brutale que bâclée.
Comme si Capote avait voulu brusquement en finir avec ce roman dont il
ne se sortait pas.
Michel Abescat
Traduit de l’anglais par Gabrielle Rolin, éd. Grasset, 207 p., 12,90 €.
Le 30/09/2006 - Mise à jour le 18/09/2013 à 16h35 Michel Abescat - Telerama n° 2959
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Le 30/09/2006 - Mise à jour le 18/09/2013 à 16h35
Michel Abescat - Telerama n° 2959